28/07/2009

Le Chevalier errant suivi de l'Epée Lige / George R.R. Martin

Oui, je sais, je sais, je sais. Il n'y a pas si longtemps, j'ai dit ceci : "le bavardage et l'artillerie descriptive en Fantasy me portent à croire que cette littérature n'est décidément plus pour moi."

Et puis cela, plus tard : "tout simplement, je crois ne plus être sensible à l'univers médiéval, aux batailles, à l'aspect stratégico-politique qui touchent à ce genre d'ouvrages."

Cependant, j'avais aussi dit ça : "mais je sais aussi qu'il suffira d'une belle couverture (quand ce ne sera pas la quatrième) ou que je succombe au discours passionné d'un lecteur persuasif pour que j'y remette un coup d'oeil."

Ça n'a pas loupé. En voyant la couverture du Prélude au Trône de Fer, une petite pincée de nostalgie m'a étreint. Des chevaliers en armure, pensez donc ! Ça a de quoi éveiller vos souvenirs de films moyenâgeux, de combats épiques, de tournois où celui qu'on croyait battu à plate couture se ressaisissait (enfin!), se relevait d'un coude, la tête pleine de boue, apercevait son adversaire, un fourbe de la première heure, lequel venait de se tourner, les bras levés, vers une foule en émoi et une princesse déconfite. Vous connaissez la suite, non ? De la force à revendre quand on le croyait au trente-sixième dessous, et l'heure de la raclée a sonné. Du Rocky Balboa à la sauce médiévale, si vous voulez, une recette qui avait fonctionné en son temps.

Il y a donc eu cette réminiscence à laquelle se sont greffés les propos unanimement élogieux autour du Trône de Fer. Le roman étant assez court, je me suis dit que ce serait une bonne manière d'avoir un aperçu de l'univers créé par George R.R.Martin, sans pour cela me lancer d'emblée dans un cycle à rallonge.

En règle générale, je vois d'un mauvais œil les parutions fonds de tiroir que les éditeurs balancent en librairie une fois qu'une série a connu le succès : prélude à, l'aube de, préquelle à... Comme si, d'une certaine manière, on allait éditer un bouquin avec deux ou trois novellas en attendant les épisodes suivants qui tardent à venir. Des a priori pas toujours justifiés.

Une fois balayé celui concernant cet ouvrage, dont les titres qui le composent étaient déjà parus dans les anthologies de nouvelles réalisées par Robert Silverberg, la surprise était au rendez-vous. George R.R. Martin a du style, de l'expérience aussi, cela se sent. Très vite, on se retrouve emporté dans son univers où action, humour et personnages forts forment un mélange détonnant. Pas besoin de dons, de pouvoirs ou de magie à tous crins pour cela, et c'est tant mieux. Pour un peu, on serait enclin à penser que l'auteur fait figure d'extra-terrestre dans le paysage de la Fantasy.

Voilà, il ne me reste donc plus qu'à tremper le premier orteil dans cet océan de mots qu'est Le Trône de Fer.

Le chevalier errant suivi de l'Epée Lige / George R.R. Martin, traduit de l'américain par Paul Benita et Jean Sola, Pygmalion, 269 p.

23/07/2009

Le Pouvoir des cinq. Tome 1, Raven's gate / Anthony Horowitz

Matt Freeman, 14 ans, n'est pas ce qu'on peut appeler un mauvais gars. Depuis la mort de ses parents dans un stupide accident de voiture, il a perdu pas mal de ses repères. Et pour ne rien arranger, la tante chez qui il est allé vivre, ne l'a pas accueilli à bras ouvert. Elle a plutôt vu son arrivée comme une intrusion dans sa vie et le lui a bien fait sentir. Pas de quoi être à l'aise dans ses baskets.

Après s'être fait embringué dans un simple cambriolage qui a mal tourné, Matt est appréhendé par la police et se voit contraint de choisir entre l'emprisonnement ou un programme de réinsertion dans une famille d'accueil, au sein d'un petit village de campagne. Et pour tout dire, c'est là que ses ennuis commencent vraiment.

Voici quelques chroniques, je m'étais étonné du manque de tension et d'angoisse dans un livre de terreur. Ce que je n'avais pas trouvé alors, je l'ai obtenu dans ce premier tome du Pouvoir des cinq d'Anthony Horowitz. Il ne s'agit pas de claquements de dents ou de chair de poule, et, non, je ne me suis pas mis à parler à mon héros en lui disant par exemple : « Non ! Ne va pas par là, malheureux ! ». Mais la part de mystère qui entoure le village et l'attitude de chacun des habitants ont ce je ne sais quoi d'inquiétant qui vous donne envie d'en savoir plus, de lever le voile sur les particularités de Matt, et de découvrir ce que cachent les Portes de l'Enfer, sur le point de s'ouvrir à nouveau. A nouveau, tiens donc...

Raven's Gate, en plus de l'aura de mystère qui l'entoure ne manque pas d'action non plus, et certaines scènes laissent la part belle à l'imagination de l'auteur qui semble s'en être donné à cœur joie pour certaines d'entre elles. Venez faire un petit tour au musée, et vous verrez de quoi il retourne.

Dans l'ensemble les personnages sont assez bien rendus, les bons comme les mauvais. Certains pourront peut-être déplorer un certain manichéisme, mais franchement il ne me paraît pas si marqué que ça non plus. L'histoire l'induit de toute manière et, quelque part, l'ambiance générale règnant dans le livre vient en atténuer les effets. Et puis bien des zones d'ombres restent encore à éclaircir, alors...

Attention toutefois, il semble que cette série soit une réécriture de la série Pentagrame, parue dans les années 80 à la bibliothèque verte, puis rééditée il y a quelques années sous la refonte de la collection Livre de poche jeunesse. Manque d'imagination, histoire de gros sous, ambition cinématographique impulsé par le succès de sa série Alex Rider au cinéma, visée d'un public plus âgé, envie d'améliorer une histoire qui ne satisfaisait pas pleinement l'auteur... les raisons ne manquent pas et je ne m'avancerais pas à en avancer une au détriment d'une autre. Pour tout dire je n'en sais rien. Je me suis contenté de lire Ravens Gate, et ma foi, c'était plutôt agréable. Il s'agit d'un bon livre pour ado qui se lit avec plaisir sans être non plus inoubliable. Mais les prochains tomes Evil Star, Nightrise et Nécropolis contribueront peut-être à emballer la machine.

Le Pouvoir des Cinq. Tome 1, Raven's Gate, Anthony Horowitz, traduit de l'anglais par Annick Le Goyat, Hachette Jeunesse, 331 p.

19/07/2009

Cher amour / Bernard Giraudeau

Bon....
Je connaissais Bernard Giraudeau, comme tout le monde je pense, en acteur français incontournable, en comédien aussi.

Et puis en 2007, j'avais lu et aimé Les Dames de Nage, alors en bonne curieuse que je suis, j'ai lu Cher amour, aux éditions Métaillié toujours, paru en cette année 2009.

Je l'ai lu, "mouais", et puis je l'ai fermé, et je n'y ai plus pensé. Et tout est là.
Voici que Cher amour de Bernard Giraudeau, des semaines après sa sortie, reste en tête des ventes, et est en passe de devenir le best-seller de l'été des français aux côtés des derniers opus de messieurs Musso et Lévy.

Et c'est là, que je me suis demandée si j'étais bien comme tout le monde.
Parce que moi, Cher Amour, et bien cela m'a passablement gonflé.

Bernard Giraudeau s'adresse à une femme qui ne le connaît pas, et qu'il aime en secret, j'imagine (et là j'avoue que je ne suis plus compétente) que ce doit être la première grosse ficelle, car il doit y avoir beaucoup de madames qui en France, rêveraient que Bernard Giraudeau les aime en secret, sans même qu'elles ne le soupçonnent. Rendez-vous compte, Bernard Giraudeau, quand même, qui est officiellement aussi beau à trente qu'à soixante ans !!!!

Mouais 1.

Ensuite, le concept est simple, le message très clair, monsieur Giraudeau nous explique, que si on a pas de sous, ben c'est pas grave, il suffit d'aller au théâtre, et le voyage il est là.
Sauf qu'en alternant un chapitre sur ses souvenirs de voyage au Chili, en Amazonie, au Cambodge et un chapitre sur les souvenirs de théâtre, ben, monsieur Giraudeau, il nous montre bien aussi que lui, il fait les deux.
En temps de crise, où perso, je suis à dix euros près tous les mois, ça a du mal à passer pour moi, comme message.

Enfin, et pour clore cette chronique, je dirais que sur la forme, Giraudeau se cache et se corrompt, derrière des phrases estampillées France "là-bas, il n'est d'ombre que celle de l'oiseau..." par exemple, genre, sur les traces de Victor Hugo, je vous raconte mes souvenirs, de biture dans les ports du bout du monde, mes souvenirs d'homme de théâtre aux côtés par exemple de Fanny (Ardant, ça ça doit être la ficelle pour les messieurs en vacances), alors, que nous, ben, il ne nous reste plus qu'à travailler plus pour gagner plus. Argh.
N'est pas écrivain qui veut.

Cher amour / Bernard Giraudeau, Métaillié

18/07/2009

Le Cauchemar d'Innsmouth / H.P. Lovecraft, texte lu par Victor Vestia, Michel Chaigneau et Hugues Sauvay

Alors bien sûr, H.P. Lovecraft est un classique de la littérature fantastique. L'un des maîtres, diront certains. Son mythe de Cthulu n'est presque plus à présenter, tant et si bien qu'il a même fait l'objet d'adaptations en jeux de rôle et vidéos. Et si j'ai lu il y a bien longtemps, L'Affaire Charles Dexter Ward avec un certain intérêt, j'avoue avoir ensuite été coupé dans mon élan de découverte par le recueil de nouvelles Dans l'abîme du temps. Mon impression d'alors était que les textes se ressemblaient tous plus ou moins – un individu se trouvait confronté à la réapparition des Grands Anciens, sortes de monstres ancestraux bien décidés à reprendre la maîtrise de la Terre, quitte pour cela à semer folie et perte des hommes -, que le style était trop chargé. Il ressortait de mes lectures un sentiment d'étouffement, d'écrasement. C'était d'ailleurs peut-être ce que recherchait l'auteur, faire en sorte de coller l'impact des découvertes et des déconvenues de son personnage central sur le lecteur. Mais en ce qui me concerne, c'est l'aspect plombant qui m'était resté, avec aussi cette conviction : les voies de Dagon et de Cthulu me resteraient à jamais impénétrables.

Cependant, et peut-être cela vous arrive-t-il aussi, je me suis fait la réflexion que je ne pouvais pas arrêter mon point de vue sur aussi peu de matière, car l'œuvre de Lovecraft est assez importante, notamment et surtout à travers ses nouvelles.

L'écouter pouvait aussi donner une dimension supplémentaire à son univers, permettre de l'aborder sous un nouvel angle, l'appréhender d'une manière différente, à savoir devenir le dépositaire direct des révélations d'un homme ayant été confronté, sa majorité à peine acquise, aux pires abominations qu'on puisse imaginer.

Malheureusement, le livre sonore n'a pas contribué à l'appréciation de l'œuvre. Si les bouquins ont des coquilles, les pistes audios, elles, ont des couacs. Des couacs et des voix qui – j'hésite sur le mot, non seulement parce que le concept même des livres lus me paraît utile et intéressant à la fois, mais aussi parce que les éditions Sonobook ont pris le risque d'éditer des bouquins de science-fiction et de fantastique, entre autres, alors forcément ça m'embête de tirer sur l'ambulance – agacent. Outre les problèmes de changements de pistes, en plein milieu d'un monologue, rogné qui plus est, la voix du narrateur est on ne peut plus monocorde. Si monocorde que, suivant la musique des mots, on se retrouve avec des points en plein milieu de phrase, quand on aurait imaginé une virgule. Dommage quand on sait le narrateur littéralement vibrant et bouleversé par l'ambiance délétère régnant à Innsmouth. Mais lorsque l'émotion survient vraiment, lorsque l'horreur est à son comble, la voix du narrateur se contente d'accélérer le débit, troquant ainsi un ton monocorde, donc, pour un autre. Et les quelques incursions sonores (ressac de la mer – j'ai cru que mon lecteur vivait ses derniers instants dans un souffle crépitant – , râles mécaniques de monstres amphibiens), ne pourront rien changer à ma débâcle auditive et littéraire, car malgré tout ceci, mes impressions autour de Lovecraft sont restées les mêmes.
Serait-ce que les voies de Dagon et de Cthulu me soient à jamais impénétrables, nom d'un Necronomicon ?

Le Cauchemar d'Innsmouth / H.P. Lovecraft, Sonobook, 1cd mp3, 2 h 41 min.

15/07/2009

Le Vent du boulet / Fabrice Nicolino

Ça commence par un prologue aux allures d'épilogue. L'affaire est faite, pliée. Enfin... Des noms, des événements, des morts. Beaucoup de morts sur une période somme toute assez courte. Des informations brutes sur lesquelles il est difficile de s'appuyer, de comprendre ce qui s'est noué. Seule certitude, le narrateur Frédéric Tran s'en est sorti. Il est là pour raconter. Et il raconte, avec son cœur, ses tripes, sa douleur, son amertume et sa colère.

Si son ami d'avocat Antoine de Bei n'était pas venu le tirer de son cercueil urbain où il se laissait croupir, Frédéric Tran aurait sans nul doute continué sa lente mais sûre descente vers l'oubli et le néant, vers un vrai caveau cette fois. Ça ne l'aurait pas dérangé outre mesure. Il semblait s'être fait à cette idée. Elle s'imposait comme une évidence, peut-être même se révélait-elle comme une attente à peine formulée.

« Oh merdouille, quelle vie, quand on ne meurt pas pour de vrai. »

Mais le bienveillant entourage de Frédéric voit ça d'un autre œil, en tentant de lui redonner le goût de l'investigation avec laquelle, en tant qu'ancien journaliste, il s'est déjà frotté. Antoine lui demande en effet de reprendre l'enquête concernant l'explosion d'un immeuble à Toulon dont les conclusions ont toujours parues hâtives et suspectes aux familles des victimes, bien décidées à faire en sorte que la vérité éclate au grand jour. Très vite, Tran s'aperçoit que son investigation dérange et les avertissements ne tardent pas à pleuvoir.

« J'avais envie de la chaleur du café en bouche, mais celui de la cafetière devait être froid, et je me suis contenté de regarder deux morts très malheureux de vivre. »


La mort est bien évidemment présente dans cet ouvrage. La mort et les magouilles de tout poil où le poids des victimes collatérales ne pèse pas bien lourd aux yeux de certains. Il est question de violence aussi, brute, sans concession. Elle ne passe pas forcément par le style lui-même, mais plutôt par la description d'un milieu où elle fait office de normalité.

Avec ces éléments on pourrait naturellement penser que Le vent du boulet est un ouvrage sombre de plus dans le paysage du roman noir. Mais ce serait alors ne pas prendre en compte l'humanité qui sourd de ce livre. En écrivant ces mots, je me rends compte que j'utilise régulièrement ce terme « d'humanité » dans mes chroniques. Peut-être parce que, plus que jamais, elle me semble importante d'être rapportée, soulignée, mise en avant. Parce que la littérature, qu'elle soit blanche, noire ou tout ce qu'on voudra, doit aussi s'en faire le relais, histoire de nous rappeler qu'elle existe. Serait-ce que l'on se serait pris à en douter quand on baguenaude en début d'été sur les bords de rivières déjà pollués par toutes sortes de déchets plus dégueulasses les uns que les autres, de quoi vous rendre écœuré et hargneux ? Mais je digresse, je digresse...

Dans Le Vent du boulet, cette humanité passe donc par le narrateur lui-même, emporté par l'alcool et sa soif de se raccrocher à l'amour et à la vérité. Elle passe aussi par des personnages formidables gravitant autour de lui, prêts à l'épauler dans les moments les plus difficiles, même quand leur propre intégrité physique se trouve menacée. Des amitiés franches et sincères que Tran apprécie à leur juste valeur, des amitiés ou des sympathies, des liens affectifs inexplicables, où la simplicité se joue de toutes les barrières, même politiques.

Et, quand en réponse à ce vent du boulet, souffle celui du désir de vengeance, on se dit que Fabrice Nicolino a su conjuguer l'humanité sous toutes ses facettes, des plus sombres aux plus reluisantes. Et, qui sait, il se pourrait bien qu'il récidive...

Le Vent du boulet, Fabrice Nicolino, Fayard (Fayard noir), 416 p.

08/07/2009

Détonations rapprochées / C.J. Box, texte lu par Jacques Frantz

Joe Pickett n'est pas détective privé. Il n'est pas inspecteur de police, ni médecin légiste, pas même avocat. Non, il est garde-chasse dans le Wyoming. Alors normalement, les seuls cadavres qu'il est susceptible de rencontrer, ce sont ceux d'animaux abattus en pleine période de chasse, ou lors de braconnages. Mais par un matin d'hiver, voici qu'il découvre le cadavre d'Ote Kelley derrière le tas de bois de son jardin. Certainement pas un inconnu car Ote était parvenu à le désarmer en début d'année après que Joe l'eût pris en flagrant délit de braconnage. Une scène sans lendemain, si ce n'est qu'Ote s'était empressé de vanter son exploit à qui voulait bien l'entendre, décrédibilisant ainsi le garde-chasse dans ses fonctions. Pour autant les soupçons ne se portent pas sur Joe, qui semble de son côté bien décidé à éclairicir ce mystère, même s'il doit pour cela aller bien au-delà de ses missions initiales.

Je vais finir par croire qu'il suffira de me planter une brebis dans un décor campagnard pour me faire adhérer à n'importe quel roman. C'est vrai que depuis Dérive sanglante de William G. Tapply, les récits de natural writting, comme il semble courant de les appeler, ne finissent pas de m'enchanter. Ici, ce n'est pas tant l'intrigue qui est à mettre en avant. Très vite, le lecteur sait qui a fait quoi et dans quel but. Et C.J. Box ne cherche aucunement à noyer le poisson. Si vous voulez, c'est un peu comme du Columbo sans en être. On ne connaît pas l'identité du meurtrier au moment où débute le livre, mais c'est tout comme. Il suffit d'attendre un tout petit peu, que les quelques pièces du puzzle s'assemblent, et le tour est joué. En fait, le plaisir de la lecture de Détonations rapprochées réside plutôt dans le personnage du garde-chasse, amené à devenir un héros récurrent, et dans son entourage immédiat. Joe Pickett ne fait pas partie de ces héros à qui tout réussit du premier coup. Malgré sa corpulence et son savoir-faire, c'est son côté « je suis comme tout le monde, j'ai finalement les mêmes préoccupations que tout un chacun » qui le rend si sympathique. Ainsi que sa vulnérabilité, sa fragilité et ses moments de naïveté.

La nature est bien sûr au centre du récit. Le cadre est idyllique. Un aspect sur lequel C.J. Box met l'accent afin de démontrer, sans démagogie d'aucune sorte, que les grands espaces sont eux aussi menacés par un fléau qui est, comme chacun sait, assez contagieux et pervers : la recherche du profit, à coup de licenciements, de passe-droits et tout ce qui s'ensuit, quitte à tout emporter dans son sillage...

Ai-je besoin de préciser que je reviendrai faire un petit tour du côté de Saddelspring ? Sur support papier ou sur CD, la lecture ayant été admirablement interprétée par Jacques Frantz, comédien et « voix » de Robert de Niro.

Détonations rapprochées, C.J. Box, traduit de l'américain par William-Olivier Desmond, Livraphone, 1 CD Mp3, 8 h 40 min.

Douze / Jasper Kent

De l'art de faire long quand on peut faire court, ou comment plomber son livre par un manque d'intensité. Presque pas besoin d'en dire plus. Si ce n'est que le début de cette histoire semblait plutôt prometteur et original pour un récit de terreur. Jugez-vous même : l'armée napoléonienne est sur le point de prendre Moscou. L'issue semble en tout cas irrémédiable. C'est pour quoi un groupe d'homme décide de faire appel à un corps d'armée un peu spécial dont ils ne savent que peu de choses en réalité. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que ces personnes, douze au total, aussi bizarre que cela puisse paraître, sont capables de faire vaciller l'armée française.

Alors si le début fonctionne assez bien dans sa mise en place, on ne peut pas en dire autant en ce qui concerne la suite. C'est lent, lent, mais d'un lent ! Si lent qu'on aurait vite fait de secouer le livre pour au moins avoir la satisfaction de lui donner un sursaut de vie. Bien sûr, vous m'objecterez que dans ce genre de bouquin, il est plutôt question de mort. Mais même le côté angoissant que l'on aurait été en droit d'attendre n'a pas de prise sur le lecteur. Les douze personnages n'ont pour ainsi dire aucune épaisseur, leur part de mystère est pratiquement nulle et ils ne foutraient même pas la trouille au plus peureux des peureux. Ce qui fait que l'intérêt porté au bouquin au début de la lecture se délite, s'effrite et ce n'est pas les quelques scènes de combats sans punch qui changent quoi que ce soit à la donne. D'où un abandon somme toute assez logique de la lecture. D'autres livres se bousculent au portillon.
Douze, Jasper Kent, traduit de l'anglais par Sandrine Burriel, Bragelonne, 480 p.

01/07/2009

La Pluie avant qu'elle tombe / Jonathan Coe

Magnifique ! Il n'y a pas d'autre mot pour qualifier le dernier livre de Jonathan Coe. Sortez vos mouchoirs, l'émotion est au rendez-vous. Mais attention, pas une émotion faite de pathos, pour lequel j'ai développé un bouclier répulsif à même de me faire tomber des mains tout bouquin qui aurait tendance à en user ou en abuser. Non, ici, l'émotion se distille en finesse, suit le cours de l'histoire sans jamais déborder de son lit.

L'histoire, justement. Rosamond vient de mourir, et elle a chargé sa nièce, Gill, à qui elle a légué une partie de sa fortune, de retrouver une certaine Imogen. A charge alors pour elle de lui remettre l'héritage qui lui revient, de l'argent bien sûr, mais aussi des cassettes, sur lesquelles Rosamond s'est enregistrée. A travers vingt photographies, elle retrace en effet le parcours de sa vie, de sa famille, de ses amours. Mais surtout, elle révèle à Imogen les secrets de son origine et les causes de sa cécité.

Il ne manque plus que le son. On imagine sans mal cette vieille femme assise sur son fauteuil, son magnétophone à portée de bouche, en train de regarder ses photographies, celles jaunies et vieillies par le temps et celles plus récentes, puis de fermer les yeux et de se laisser emporter par ses souvenirs. On l'imagine mais surtout on l'écoute - tout comme Gill et ses filles - emportés par sa voix. Il souffle un air de nostalgie dans ses propos mais on ne doute pas un seul instant de la véracité des faits qu'elle relate. Le temps, cette fois-ci, n'a pas altéré sa mémoire. Pas à elle.

Emu et touché le BiblioMan(u), comme jamais Coe n'était encore parvenu à le faire malgré l'inénarrable Testament à l'anglaise, bijou de drôlerie et de cynisme. Peut-être est-ce parce que, pour la première fois, il a choisi de faire parler son personnage principal à la première personne ? Un « Je » féminin capable de faire oublier que c'est un auteur qui la fait parler.

On mesure les grands romans à la manière dont on parvient à s'immerger dans l'histoire, à la manière dont on se laisse emporter par la musique des mots, à la manière, enfin, dont les personnages nous habitent et nous deviennent si familiers, qu'ils nous accompagnent longtemps après avoir refermé le livre. A ce titre et sans en douter une seule seconde, La Pluie avant qu'elle tombe, est grand. Très grand.

La Pluie avant qu'elle tombe, Jonathan Coe, traduit de l'anglais par Jamila et Serge Chauvin, Gallimard (Du Monde Entier), 248p.