19/01/2013

La Femme en vert / Arnaldur Indridason

Il aura suffi de l'acuité d'un étudiant de médecine venu chercher son petit frère à un goûter d'anniversaire pour révéler un mystère remontant à plus de cinquante ans. Après avoir reconnu un os humain dans la bouche d'un bébé, il remonte jusqu'au terrain de jeu des enfants sur les hauteurs de Reykjavik, et découvre un squelette prisonnier de la terre. A charge ensuite pour l'inspecteur Erlendur et son équipe de remonter la trame du passé, identifier le cadavre et comprendre le ou les drames qui se sont noués ici-même durant la seconde guerre mondiale. Pas facile pourtant de mener l'enquête dans ces conditions, encore moins lorsque les drames personnels viennent entraver sa marche...

Deuxième enquête de l'inspecteur Erlendur et, une fois de plus, c'est dans un passé lointain qu'il va devoir plonger pour en dénouer tous les fils. Après avoir traité du viol et du silence qui l'entoure, la préoccupation d'Arnaldur Indridason se porte une nouvelle fois vers les femmes, victimes cette fois-ci de violences conjugales. Par extension, il aborde aussi l'impact psychologique redoutable que celles-ci peuvent engendrer sur une famille, sans oublier, non plus, de revenir sur le silence d'un entourage ou d'une autorité préférant ne pas voir plutôt que d'affronter une réalité abjecte.

On reste comme tétanisé par la force évocatrice du récit : la construction, le dosage des éléments de réponse fournis par l'auteur, alternant entre temps présent et temps passé, la psychologie des personnages (leur existence même, leur vulnérabilité - et leur force aussi) jouent pleinement en faveur de cette impression.

Arnaldur Indridason use également d'une certaine lenteur dans la progression de son intrigue. Impossible de le lui reprocher. Au contraire, celle-ci apparaît comme l'une des composantes essentielles de l'histoire.Elle entretient le lecteur dans la torpeur des événements qui lui sont dévoilés, du calvaire et de la douleur physique autant que morale, parfois faite d'abandon, que subissent les uns et les autres.

A n'en pas douter, il s'agit là de grand, grand art.

La Femme en vert, de Arnaldur Indridason, traduit de l'islandais par Eric Boury, Seuil (Points Policier), 2007, 352 p.

05/01/2013

Jusqu'à la folie / Jesse Kellerman

Certains pitchs vous font parfois aller au-delà d'une déception rencontrée à l'égard d'un auteur. Je n'avais pas du tout adhéré au si encensé Les Visages et je ne pensais donc pas forcément revenir vers Jesse Kellerman un jour. Cependant l'histoire de Jusqu'à la folie a eu ce qu'il fallait d'intrigant pour passer outre cette décision.

Après une journée harassante à l'hôpital où il est stagiaire, Jonas Stehm entend une femme crier à l'aide. Ni une ni deux, sans même réfléchir, il vole à son secours et tue l'agresseur qui a eu le temps d'infliger deux coups de couteau à sa victime. Celle-ci en sortira indemne mais ce n'est pas le cas de Jonas qui, en héros d'un jour, va vite voir sa vie devenir un véritable enfer...

« L'écrit ne peut jamais vous sauter au visage comme un film. »

Arriver à la fin du livre et trouver une telle phrase, ça laisse pantois. On aurait envie de dire à l'auteur qu'il aurait pu s'épargner bien du labeur, ou bien qu'il aurait gagné à passer directement à l'écriture du scénario. Au moins le lecteur se serait épargné l'attente d'une angoisse qui ne vient jamais vraiment. L'ensemble du bouquin est convenu, possède un goût prononcé de déjà-vu en matière cinématographique, ficelles comprises. C'est même stupéfiant par moments. On croirait voir un patchwork de scène de films sans que cela confine pour autant à l'hommage : un parfum de Coup de foudre à Nothing Hill avec le co-locataire complètement barré de Jonas, un bon morceau de Liaison fatale où le harcèlement sur lequel repose l'intrigue ne fait jamais tressaillir, malgré les vains efforts de Jesse Kellerman, un brin de La Main sur le berceau pour quelques ficelles, et enfin un soupçon de série télé, Urgences en tête ou, au choix, Grey's anatomy pour ce qui est des petites guerres intestines en milieu hospitalier.

Vous l'aurez compris, rien de bien terrible à se mettre sous la dent avec ce livre là si ce n'est, peut-être, de quoi se donner envie de revoir certains films ou séries. Rien n'est moins sûr.

Jusqu'à la folie, de Jesse Kellerman, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony, J'ai Lu, 2012, 343 p.