24/05/2014

Sadako / Koji Suzuki

On va faire dans la brièveté aujourd'hui. Il aura fallu attendre la sortie tant attendue de Sadako pour avoir le plaisir de retrouver la trilogie Ring sur les tables des librairies. C'est une bonne chose en soi. Pour le reste, Sadako déçoit immanquablement. Deux raisons essentielles à cela.

Premièrement, la traduction. En règle générale, j'ai déjà eu l'occasion de le dire sur ce blog, je ne repère pas facilement les traductions défaillantes. S'il y a des incongruités ici ou là, je ne m'appesantis pas dessus. Mais là, surtout au début, les répétitions à répétition, facilement évitables me semble-t-il, ont eu le don de m'écarter de l'histoire qui paraissait pourtant prometteuse.

L'histoire, deuxième objet de la déception. Si je n'avais pas su que Koji Suzuki avait écrit d'autres romans après Ring, j'aurais pu penser qu'il faisait partie de ces auteurs prisonniers du livre ayant fait leur célébrité. Car, bien que cela ne soit présenté nulle part, hormis par le biais du titre qui ne parlera qu'à ceux qui ont lu et relu la trilogie initiale, Sadako est un prolongement de celle-ci. Sur plusieurs pages, Koji Suzuki nous refait d'ailleurs l'historique pour recontextualiser l'ensemble et donner une sorte de cohérence ou de justification à l'existence du présent livre. Il vaut donc mieux s'épargner ça et s'attarder sur Ring ou sur la version japonaise du film qui en a été tirée (ne les ayant pas lus, je ne peux pas me prononcer sur les mangas). Ceux qui sont en quête d'angoisse pure en seront au moins pour leurs frais.

Sadako, de Koji Suzuki, traduit du japonais par Yukari Maeda et Patrick Honnoré, Fleuve éditions (Fleuvenoir), 2014, 358 p.

18/05/2014

Rédemption / Matt Lennox

Pour commencer, on va s'attarder un peu sur l'histoire que l'on trouve en quatrième de couverture. Car en la relisant, je me suis demandé si j'avais bien lu le livre, si je ne m'étais pas retranché dans des pensées si préoccupantes ou si enivrantes que j'aurais occulté les éléments clés de l'histoire. Mais si cela m'arrive de me perdre ainsi dans des turpitudes ou des béatitudes intérieures, je crois qu'en l'occurrence, pour cette fois au moins, le problème n'est pas venu de moi. De deux choses l'une, soit l'éditeur a voulu appâter le chaland en pimentant un peu la sauce, histoire d'en relever le goût, soit la personne qui a rédigé le résumé n'a pas lu le livre... Jugez plutôt :

Après dix-sept années passées dans une prison de haute sécurité, Leland King revient dans sa ville natale de l'Ontario, où sa mère est en train de mourir. Quel crime a-t-il commis pour avoir été aussi longtemps privé de liberté ? Pete, son neveu, né pendant sa détention, l'ignore et ne s'en soucie guère. Mais dans ce patelin où l'on ne vénère que Dieu et la loi, il est bien le seul : personne n'a vraiment pardonné à Leland son passé criminel. 

Jusque là, tout est correct, rien à redire. C'est ensuite que ça se corse : 

Personne n'a vraiment pardonné à Leland son passé criminel. Surtout pas Sam Maitland, un flic à la retraite qui en peut s'empêcher de voir un lien entre le retour du hors la loi et la récente découverte du cadavre d'une jeune femme dans une voiture abandonnée.

Le truc, c'est qu'en réalité Sam Maitland n'a aucune rancœur particulière vis à vis de Leland. Au contraire, il est plutôt amène avec lui, pour des raisons qui ont à voir avec sa propre culpabilité. En tout cas, à aucun moment, je dis bien aucun moment, Leland ne sera suspecté de la mort de la jeune femme évoquée dans le résumé. Bref, on ne va pas s'éterniser non plus sur ces écarts éditoriaux qui pourraient nous laisser penser qu'on nous refourgue du thriller ou du suspense là où il n'y a même pas besoin d'en avoir. Concentrons nous plutôt sur le bouquin qui vaut tout de même le détour.

 Avec un titre et une histoire pareille on se doute bien que les questions d'ordre moral et religieux seront abordés à un moment où à un autre. Matt Lennox campe d'ailleurs très vite le décor en focalisant sa narration autour de trois personnes : Leland, de retour dans la ville même où il a perpétré un crime - dont on ne saura la véritable nature qu'en fin d'ouvrage - est soumis au regard des gens, oscillant entre hostilité manifeste, défiance et crainte. Il doit faire face à l'épreuve de la réinsertion, du retour à une vie qu'il sait ne pas pouvoir être normale ; ensuite, il y a Pete, son neveu, dont l'intention manifeste, après avoir quitté le lycée, est de fuir la bourgade ; et puis il y a Sam Maitland, le flic retraité, lequel compte faire en sorte de réparer les fautes du passé, si tant est qu'il y ait réellement fautes.

Tous trois évoluent dans une petite ville comptant à elle seule plusieurs églises et donc autant d'écoles de la foi qui excluent plus qu'elles ne rassemblent. L'authenticité des personnages s'exprime par leurs doutes, leurs questionnements et leur fragilité. Ils ne sont jamais dans la sanction ni dans le jugement, n'assènent rien de façon péremptoire, à l'inverse de ceux dont le vernis de respectabilité, érigé dans la foi, se craquèle à l'heure où s'invitent les intérêts personnels. Au-delà des principes et des dogmes, la véritable nature se révèle...

Cette approche, Matt Lenox l'effectue à l'échelle d'une petite ville, sorte de concentré de l'humanité. Il dépeint un monde qui nous ressemble sans le présenter de façon ultra-manichéene, et sans, non plus, à l'image de ses personnages principaux, porter un jugement systématique sur la foi et l'expression de celle-ci. S'il adresse un regard pathétique sur ceux ayant recours en toute circonstance à la religion au point d'occulter l'essentiel, il laisse surtout, avec cette belle histoire, toute latitude à l'introspection et au libre arbitre. 

Je sais, j'ai lu deux livres d'affilée abordant cette dernière thématique. Faut croire que je me pose des questions.

Rédemption, de Matt Lennox, traduit de l'anglais (Canada) par France Camus-Pichon, Albin Michel, 2014, 432 p.